Mme Francine Ouellette, écrivaine et résidente de Saint-Aimé-du-Lac-des-Iles.
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La Fabrique culturelle parle de L'Épopée du Bois avec Mme Francine Ouellette
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Clin d’œil sur notre histoire
La fourrure
Mai 2021
De nos jours, le commerce de la fourrure est en déclin, mais, pendant très longtemps, il a constitué une des bases de l’économie de la Nouvelle-France ainsi que du Canada. À tel point que la fourrure servait de monnaie d’échange.
Sous le régime français, l’unité de valeur de cette monnaie était basée sur une peau de castor moyen et se nommait le pelu. À titre d’exemple, en 1730, on pouvait s’acheter un fusil de marque Saint-Étienne en payant, selon la qualité de l’arme, avec 5 ou 8 peaux de castor.
Pourquoi ce système était-il basé sur une peau de castor plutôt que sur la peau de tout autre animal? Parce que cette fourrure était la plus recherchée pour la confection des chapeaux en raison de son imperméabilité. J’ai longtemps imaginé que c’était des « casques de poil » comme on dit par ici. Erreur. En réalité, il s’agissait de chapeaux de feutre auxquels on pouvait donner une forme quelconque, du genre chapeau des mousquetaires à large bord, haut-de-forme, etc.
Ce qui intéressait les chapelleries dans une fourrure, c’était le duvet qui se trouve au ras de la peau. La première étape de la fabrication du feutre consistait donc à se débarrasser des longs poils soyeux, ce que réussissaient les autochtones de manière tout à fait naturelle. Ces derniers auraient bien ri de nous voir porter nos manteaux de fourrure à l’envers, le poil à l’extérieur, car eux, ce poil, ils le portaient contre le corps, ce qui est plus chaud. Évidemment, avec l’usure, ces poils finissaient par tomber.
Les marchands de fourrure ont alors flairé la bonne affaire en offrant des pacotilles sans valeur contre ces peaux usagées pour ensuite les revendre à gros prix aux chapeliers qui épargnaient ainsi une étape. Quand les autochtones découvrirent cette escroquerie, les marchands s’associèrent alors aux explorateurs afin de pouvoir duper les tribus qui n’avaient encore jamais rencontré d’hommes blancs. C’est ainsi qu’en 1735, les postes de traite établis par La Vérendrye, lors de son voyage d’expédition vers l’Ouest, ont rapporté 50% de la production totale des fourrures de la Nouvelle-France.
Maintenant, que vaut un castor moyen? Une peau usagée de castor était appelée castor gras et valait beaucoup plus qu’une peau qui n’avait jamais servi et qu’on nommait le castor sec. À cette échelle de valeur, s’ajoutait celle du castor d’hiver qui était plus élevée que celle du castor d’été à cause du froid qui fait épaissir le duvet. La valeur du castor moyen se situait donc entre la valeur la plus élevée, soit celle du castor gras d’hiver, et la plus basse, c'est à dire celle du castor sec d’été.
Suite à la Conquête, les Anglais ont profité du commerce des fourrures en empruntant le réseau que les Français avaient eux-mêmes emprunté aux peuples autochtones. Au cours de son expansion, la Hudson's Bay Company se mit à fabriquer sa propre monnaie d’échange constituée d’un jeton de cuivre nommé le token. Son unité de valeur était toujours basée sur une peau de castor, sauf que cette fois-ci, cette peau devait être dégraissée et tannée. Ce jeton était échangeable contre toute marchandise à tous ses comptoirs de traite. Une peau d’ours valait 20 tokens; une peau de carcajou, 100 tokens. Ce n’est qu’en 1946 que la Hudson's Bay Company abandonna ce système. Voilà pourquoi certains d’entre vous ont déjà entendu l’expression « ça n’vaut pas un token ».
Quels étaient les comptoirs de traite qui desservaient notre région? Du temps des Français, c’était le fort Lièvre, construit à l’embouchure de cette rivière aux environs de la ville actuelle de Masson. Entouré d’une palissade de bois, ce fort servait davantage à la traite des fourrures qu’à la défense du pays. Un autre du même genre existait également à l’embouchure de la rivière des Oueskarinis (Petite-Nation). La découverte de haches, datant du régime français, sur le territoire ancestral des Oueskarinis atteste que ceux-ci se rendaient bel et bien à ces forts pour y échanger leurs fourrures.
En 1821, la Hudson's Bay Company opérait un comptoir de traite au lac des Sables, près d’un rapide de la Lièvre en amont de Notre-Dame-du-Laus. On sait qu’en 1844, dix personnes y travaillaient dont le maître du poste et son assistant. Cet établissement ferma vers 1850. Par la suite, les autochtones et, plus tard, les colons, échangeaient leurs fourrures au magasin-général McCabe de Notre-Dame-du-Laus.
Bien qu’il ne soit plus une monnaie d’échange, le castor figure tout de même sur nos pièces de cinq sous en tant qu’emblème du Canada. L’animal a perdu de sa popularité et il est parfois considéré comme animal nuisible à cause des barrages et des arbres qu’il abat sur les propriétés privées ou publiques.
Depuis peu, l’informatique a donné naissance à une monnaie d’échange virtuelle nommée le Bitcoin. Je n’en sais pas grand-chose sauf que son unité de valeur n’est pas basée sur une peau de castor.
Francine Ouellette
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Clin d’œil sur notre histoire
La chasse
J’ai choisi quelques-unes de mes recherches que j’aimerais partager avec vous, gens de ma municipalité de Saint-Aimé-du-Lac-des-Iles.
Étant donné que la chasse aux cervidés bat son plein, j’y consacrerai ce premier texte. Pour plusieurs d’entre vous, quand vient l’automne, l’appel se fait sentir. Que ce soit à l’arbalète, à l’arc ou à la carabine, on a rendez-vous avec l’orignal ou le cerf de Virginie.
Comment cela se passait-il au lac des Iles avant l’arrivée de l’homme blanc? Quel cervidé y chassait-on?
L’orignal? Oui. Le cerf de Virginie? Non, il n’était pas encore rendu dans nos parages. Cependant, la région du lac des Iles (lac Obanakaw) et celle du lac du Cerf (lac Piwapiti), était reconnue comme l’endroit de prédilection d’un cervidé de grande taille nommé wapiti. Grand comment? Plus petit que l’orignal mais plus grand que le caribou.
Le peuple spécialiste de la chasse au wapiti faisait partie de la grande famille algonquine (anishinabé) et portait le nom de Oueskarinis, c'est à dire le peuple de la nation du Cerf. En 1613, les estimant peu nombreux, Champlain a nommé cette tribu Petite-Nation. Leur territoire était baigné par les rivières Petite-Nation, Rouge, Lièvre et Gatineau.
Au printemps, ils descendaient ces rivières et s’assemblaient le long des rives de la rivière des Outaouais afin d’y pratiquer le troc avec les autres Amérindiens. Les vêtements joliment décorés que leurs femmes fabriquaient avec les grandes peaux de wapiti étaient très recherchés. À l’arrivée de l’automne, les Oueskarinis remontaient les rivières par groupe de 15 à 30 personnes et se dispersaient dans leurs territoires ancestraux par le réseau des lacs et rivières.
On chassait les cervidés en hiver quand ceux-ci s’enfoncent dans la neige jusqu’au poitrail contrairement au chasseur chaussé de raquettes. Des chiens effectuaient des battues d’où l’expression « faire le chien ». Ces chiens étaient de petite taille, généralement noirs avec parfois des taches blanches. Ils avaient le museau allongé, la denture forte et tous avaient les oreilles droites. L’arrivée de chiens aux oreilles tombantes, apportés par les Français vers 1610, intrigua grandement les autochtones.
Le javelot, parfois muni d’un propulseur, l’arc et les flèches servaient à la mise à mort. Le chasseur devait donc s’approcher assez près de l’animal traqué au risque d’être attaqué par lui.
L’exploitation forestière ayant rasé son habitat, le wapiti a disparu de notre région. Vers le début des années 1900, on en aurait tué quelques-uns aux alentours du lac du Cerf. À l’état sauvage, le wapiti se rencontre maintenant dans l’ouest du Canada et, au Québec, on en fait l’élevage.
Francine Ouellette